Le mésusage d’alcool

Qu’est-ce que c’est ?

Pour donner une définition simple, on pourrait dire que le mésusage d’alcool est un trouble marqué par le besoin pathologique de consommation de boissons alcoolisées. Cette pathologie s’exprime par des nombreux symptômes psychiques, somatiques et sociaux. Ses conséquences sont nombreuses.

Au niveau mondial et en France également, le mésusage d’alcool est le troisième facteur de risque majeur de mort prématurée après la consommation de tabac et l’hypertension artérielle. Dans notre pays, on estime qu’environ 35 000 personnes décèdent chaque année pour des raisons liées à leur consommation de cette substance : soit directement par des maladies associées (cancers, hépatites, cardiomyopathies, etc.), soit indirectement par accidents sur la voie publique ou autres.

Si bien la consommation des Français a beaucoup baissé dans les dernières décennies (elle est passée de 27,4 litres en 1960 à 11,8 litres par an et habitants en 2012), l’alcool reste cependant la substance psychoactive la plus consommée dans notre pays. 10 millions de personnes en consomment au moins 3 fois par semaine et 6 millions tous les jours. On estime qu’environ 10 % des personnes entre 18 et 75 ans ont ou ont eu un problème avec l’alcool.

Quand peut-on parler d’un mésusage d’alcool ? Où fixer la limite dangereuse pour la santé des personnes ?

Pour le diagnostic d’un mésusage d’alcool qu’il soit léger, modéré ou sévère, les psychiatres utilisent les critères diagnostics internationaux cités en introduction des addictions)

La difficulté avec le dépistage d’un problème d’alcool est qu’il s’agit d’un produit de consommation courante et que si sa consommation n’est pas dénuée de risque, tous les consommateurs ne vont pas basculer dans le mésusage. On doit imaginer une continuité entre les usages, qui va du non-usage à la dépendance en passant par des usages de plus en plus fréquents ou demandant des quantités de plus en plus importantes.Les usages se font dans un continuum.

Individuellement, il existe un certain nombre de signes qui peuvent interroger la personne concernée, son entourage ou le médecin traitant, comme le fait :

  • De boire dans les grandes occasions et avec ses amis, mais toujours un peu plus que les autres.
  • De ressentir le besoin de consommer de l’alcool.
  • De conduire un véhicule alors que l’on se sait être sous l’influence de l’alcool.
  • De négliger des obligations personnelles ou professionnelles en faveur de la consommation d’alcool.
  • De penser à l’alcool, même quand il n’y pas de consommation.
  • De ressentir une nervosité ou irritabilité en cas de non-consommation.
  • D’avoir des réactions de déni ou d’agressivité si la personne est interpellée au sujet de sa consommation.
  • De ressentir un apaisement psychique important au moment de la consommation.
  • De commencer à se poser soi-même des questions sur sa consommation.

Bien d’autres signes encore indiquent un début de difficultés avec cette substance psychoactive. Un autre assez bon marqueur d’une consommation problématique est le fait que l’entourage commence à se poser des questions à ce sujet. Cependant souvent les amis et la famille n’osent pas en parler directement à ce moment-là.

Comment agit l’alcool ?

Une grande partie de l’alcool consommé sera absorbée par les muqueuses des intestins. La vitesse d’absorbation se fait en fonction de la nourriture qui a été consommée. Dans un « ventre vide », l’absorbation est accélérée. Les aliments gras ralentissent mais n’empêchent pas l’absorbation. On observe un pic du taux d’alcool dans le sang à peu près 45 à 90 minutes après sa consommation.

A consommation équivalente, les taux d’alcool que l’on trouve dans le sang des femmes sont plus élevés que chez les hommes. Une des raisons de cette différence repose sur la différence de masse corporelle entre les deux sexes : les hommes pèsent souvent plus que les femmes. C’est par le foie que se fait majoritairement l’élimination de l’alcool de notre organisme. Les effets de l’alcool peuvent légèrement varier entre les personnes et aussi en fonction de la chronicité de sa consommation. Cependant indépendamment de comment une personne « supporte l’alcool », l’alcool est toujours une molécule toxique pour toutes les cellules du corps humain, en particulier celles du foie et du système nerveux central. L’effet toxique de l’alcool se manifeste indépendamment du type d’alcool consommé (bière, vin, whisky, etc.), ce qui compte est seulement la quantité ingérée.

Parmi des effets immédiats de la consommation d’alcool on trouve :

  • L’euphorie : un grand sentiment de joie.
  • La logorrhée : une envie irrésistible de parler.
  • La perte de distance : une perte de la timidité.
  • L’agressivité
  • La locution perturbée : des difficultés à articuler.
  • Les rougeurs du visage
  • La transpiration
  • L’augmentation de la diurèse : élimination rapide des liquides.

Quand est-ce que la consommation d’alcool devient dangereuse ?

Une consommation sans risque n’existe probablement pas. Mais les quantités à partir desquelles la consommation devient définitivement dangereuse ont été déterminées par l’Organisation Mondiale de Santé.

1 verre standard = 1 unité d’alcool = 10 grammes d’alcool pur

« Le verre standard » correspond à « l’unité » servie dans les bars habituellement : un demi de bière ou la flûte de champagne ou le shot de vodka ou le ballon de vin… Ce sont des unités qui contiennent à peu près la même quantité d’alcool.

Lorsque l’on parle de consommation régulière :

  • Le seuil à ne pas dépasser pour les femmes est de 2 verres standard d’alcool par jour.
  • Le seuil à ne pas dépasser pour les hommes est de 3 verres standard d’alcool par jour.

Lorsque l’on parle de consommation occasionnelle :

  • Le seuil à ne pas dépasser par occasion est de 4 verres standard.

Pourquoi certaines personnes font développer un mésusage d’alcool et d’autres non?

Il n’existe pas de réponse scientifique satisfaisante pour expliquer pourquoi une personne va développer un mésusage d’alcool (et éventuellement une dépendance) et d’autres non. Il s’agit probablement d’une interaction complexe entre le patrimoine biologique de la personne, son histoire personnelle, son environnement culturel, personnel, amical et social, et bien évidemment sa rencontre avec le produit lui-même.

Les conséquences d’un mésusage d’alcool

Les conséquences de la consommation d’alcool sont multiples. On peut distinguer entre conséquences somatiques parmi lesquelles on trouve le plus souvent :

  • l’hépatite alcoolique aiguë
  • la cirrhose hépatique
  • des cancers buccaux, de l’œsophage, du pancréas, de l’estomac, du foie mais aussi par exemple le cancer du sein
  • des troubles cardio-vasculaires
  • des troubles du système immunitaire
  • la pancréatite
  • des troubles du système nerveux
  • des troubles cognitifs jusqu’à la démence alcoolique
  • l’anorexie
  • des dysfonctionnements érectiles
  • une perturbation de la libido
  • des embryopathies chez le nouveau-né+…

Parmi les conséquences psychiques, on va trouver :

  • l’irritabilité
  • la dépression (l’alcool induit la dépression)
  • des phobies sociales
  • l’agressivité
  • labilité émotionnelle (instabilité des sentiments)
  • perturbation de l’estime de soi

Parmi les conséquences sociales et relationnelles, on va pouvoirtrouver :

  • des problèmes de couple et intrafamiliaux
  • la perte d’amis
  • la perte de son travail
  • une incapacité à exercer un emploi
  • des problèmes financiers
  • des problèmes judicaires
  • ….

Les problèmes sociaux amènent assez souvent la personne souffrant d’un mésusage d’alcool sévère jusqu’à la marginalisation et l’exclusion de la société.

Prise en charge

La prise en charge médicale repose essentiellement sur les médecins généralistes, mais aussi par les structures spécialisés comme les CSAPA et les Maisons des Addictions

L’objectif thérapeutique est fixé entre la personne concernée et le médecin. Suivant la sévérité du mésusage, les paramètres somatiques et psychologiques et la motivation du malade. Souvent l’abstinence totale sera envisagée. Dans ce cas, il pourra y avoir en cas de dépendance une période que l’on appelle de « sevrage » qui se réalise soit en milieu hospitalier soit en ambulatoire. Ce moment n’est pas sans risque et doit se réaliser sous surveillance médicale. Le risque principale est le syndrome de sevrage avec délirium tremens qui non traité peut être mortel. De plus en plus souvent et dans une dynamique de « réduction de risques », une consommation contrôlée peut être l’objectif thérapeutique. Certains traitements pharmacologiques comme le baclofen ou le nalméfène, prescrits par le médecin, peuvent aider dans la mise en œuvre d’un tel objectif. Souvent une prise en charge multidisciplinaire s’avère nécessaire en fonction des difficultés rencontrées (assistant social, psychologue, neuropsychologue, etc.).

La plupart des programmes thérapeutiques se basent sur une association de la pharmacothérapie (des médicaments), de thérapies cognitives et comportementales (avec des psychiatres ou psychologues formés à ce type de thérapie) ainsi qu’une intervention sociale.

Très efficaces également sont les associations d’anciens buveurs (comme les Alcooliques Anonymes & Vie Libre).

La réhabilitation psychosociale et cognitive après un mésusage surtout s’il était installé depuis longtemps s’avère souvent indispensable. Après les périodes de suivi intense, les personnes concernées peuvent se sentir trop vite livrée à elles-mêmes et dépassées et angoissées face à leurs « vieux problèmes » qui resurgissent dès le retour à la maison et la proximité avec l’ancien mode de vie. Une autre vie doit s’organiser et prendre du sens. Un suivi psychosocial rapproché et l’appui et le soutien des groupes d’anciens buveurs vont pouvoir soutenir la personne dans sa démarche pour s’en sortir et la remotiver.

Mais souvent il faut faire preuve de patience et rester motiver dans sa démarche. Les recrudescences de la maladie sont courantes. Il s’agit d’une maladie chronique qui demande beaucoup d’énergie pour la surmonter.

Les situations particulièrement propices pour une recrudescence de cette pathologie sont :

  • la fréquentation des lieux où l’alcool est trop facilement accessible (les bars, les buvettes par exemple)
  • reproduire les situations dans lesquelles la personne consommait auparavant de l’alcool (les rendez-vous avec les copains, le soir après le travail, ou le samedi après le match de foot par exemple)
  • les tensions dans le couple
  • le stress ou les tensions au travail
  • penser que l’on est définitivement guéri et s’autoriser des extras
  • quand l’entourage proche est trop angoissé et essaie de « contrôler » la personne en permanence. Ceci peut provoquer une telle tension, qu’une nouvelle consommation massive intervient. Ceci demande aussibeaucoup de compréhension, de patience et confiance de la part des proches

Un pronostic sur l’évolution de la maladie est difficile voire individuellement souvent impossible. Mais il n’existe pas de « cas désespérés ». Même si parfois le chemin est long voire très long, il y a toujours une issue positive possible pour tout le monde.

Scroll to Top