Les psychoses ne sont pas rares.
Elles sont aussi courantes que le diabète. Environ cinq personnes sur cent seront atteintes d’une psychose au cours de leur vie. La
probabilité pour que chacun d’entre nous connaisse quelqu’un qui en souffre dans son entourage proche ou lointain est donc forte.
Le mot « psychose » comprend une multitude de tableaux cliniques différents qui se distinguent par des symptômes très hétéroclites. Ce qui est commun, c’est la perte plus au moins étendue du lien avec la réalité dans les moments de crise.
Parmi les psychoses, la schizophrénie est celle qui est la plus connue du grand public. La prévalence (nombre de cas
recensé d’une maladie par rapport à l’ensemble d’une population à un moment donné) de la schizophrénie est autour d’un pour cent selon les
différentes études internationales (donc autant que pour le diabète insulino-dépendant). Souvent le début de la maladie se situe entre 15 et 35 ans.Souvent aussi, on trouve des symptômes précoces avant le début de l’affection, on parle alors des prodromes de la maladie.
La schizophrénie est une maladie incomprise et tout au moins mal comprise. Elle fait peur. Elle est très variable dans ses expressions et manifestations.
Elle peut être légère, ou très sévère, aiguë et traumatisante, ou insidieuse et passée presque inaperçue pour les non-spécialistes. Elle peut apparaître
une seule fois puis disparaître pour toujours, ou revenir régulièrement à des intervalles plus au moins longs. Elle peut guérir ou provoquer un handicap
psychique important.
L’entourage la plupart du temps inexpérimenté se trouve désemparé face à cette maladie. Les préjugés ont la vie dure. On entend dire que la schizophrénie
ne serait pas traitable, pas guérissable, dangereuse, ou au contraire que la schizophrénie n’existerait pas, qu’elle serait une invention des psychiatres
et du complexe industriel, un complot…
La schizophrénie est de toute façon très négativement connotée. Et sa représentation sociale dans nos sociétés peut être encore plus stigmatisante, pénalisante et handicapante pour la personne affectée et pour son entourage que la maladie elle-même. Ainsi la personne ne souffre pas seulement d’une maladie, mais d’un stigma.
Pourtant la schizophrénie n’est pas une invention, ni une pathologie sans remèdes.
C’est en effet une maladie qui peut être sévère. Elle est classée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme une des dix maladies les plus invalidantes.
Et ceci est d’autant plus grave qu’elle se déclare habituellement à partir d’un jeune âge. Mais c’est aussi une affection psychiatrique que l’on peut prendre en charge et soigner avec des résultats notables.
Qu’est-ce alors que la schizophrénie ?
Il est difficile de répondre à cette question. Cet embarras résulte du fait que de nombreuses définitions parfois très divergentes ont été proposées depuis
la première description de cette maladie.
Actuellement, on peut dire avec une certaine certitude qu’il n’existe probablement pas une maladie qui serait « la schizophrénie », mais un certain nombre de maladies que l’on va pouvoir appeler « schizophrénies ». Leurs
origines, leurs manifestations cliniques, leurs traitements et leur évolution sont différents. Mais il y a aussi des signes cliniques communs qui justifient de les garder rassemblés sous le même concept et le même nom.
Ces symptômes et signes cliniques sont des idées délirantes, des hallucinations, des troubles ou modifications du cours de la pensée, des troubles
cognitifs (troubles de la mémoire, de la concentration, difficultés à s’organiser et à planifier…), des troubles moteurs ainsi que des symptômes de
retrait social dits « négatifs
».
Les idées délirantes et hallucinations sont souvent appelées symptômes « positifs », ce qui n’est pas très heureux. Il n’y a rien de très positif dans ces
symptômes, mais ceci décrit la dynamique productive de la symptomatique. Les symptômes positifs se réfèrent donc à tout ce qui est « en plus » dans les
domaines de perception et du vécu. Et les symptômes « négatifs » décrivent surtout un ensemble de symptômes qui vont réduire les sphères du vécu. Ils sont
composés par le retrait social, l’émoussement affectif, etc. Ils se traduisent par un appauvrissement de la vie psychique et sociale. Nous allons les
décrire plus bas.
Les symptômes
Les hallucinations
Les hallucinations font partie des symptômes les plus courants de la schizophrénie. On les retrouve chez environ 75% des malades. Les hallucinations
auditives sont les plus fréquentes. Pendant ce type d’hallucinations, la personne affectée va pouvoir entendre des voix alors qu’elle est absolument seule.
Les voix peuvent commenter ses actions ou ses pensées. Elles peuvent être à l’extérieur d’elle-même ou à l’intérieur, gentilles ou insultantes (ce dernier
cas est malheureusement le plus courant). Ainsi le monde qui entoure la personne affectée sera vécu autrement. La perception du monde sera autre. La
relation avec ce nouveau vécu pourra même devenir si exclusive, si intense et si intime que la personne malade finira par acquérir la certitude que tout ce
qui se passe à l’extérieur d’elle-même a un rapport spécifique avec elle et que tout contient des messages particuliers qui lui sont personnellement
destinés.
On comprend aisément aussi que le patient cherche alors à donner des explications à ces changements qui l’affectent réellement. Suivant son contexte
culturel et ses expériences de vie, des interprétations possibles pour s’expliquer les nouveaux évènements vont être recherchées et données par la personne
souffrante: peut-être est-elle victime d’hypnose, de télépathie, de radiations radioactives, de possession diabolique, de pouvoirs divins…
La sensation et le vécu des hallucinations est bien étrange quand on ne le vit pas soi-même. Mais avec un peu d’imagination, le profane peut saisir
pourquoi l’angoisse, la peur et certains symptômes dépressifs sont aussi courants chez les personnes affectées de schizophrénie. Et pourquoi pour ces
dernières, il est impossible de déterminer dans les moments de crise ce qui est réel et ce qui fait partie des hallucinations.
C’est souvent aussi dans le contexte des hallucinations que vont subvenir les idées délirantes.
Les idées délirantes
Les idées délirantes peuvent donc se construire dans un tel contexte. Elles peuvent également survenir sans la présence d’hallucinations.
Les idées délirantes sont des idées « surinvesties », hermétiques et non accessibles au raisonnement habituel. Ces idées sont des croyances imperturbables
qui ne nécessitent ni justification ni preuve. Si le malade est fermement convaincu de la véracité de ses pensées, il est bien le seul à y adhérer. Il est
difficile ou impossible pour la personne affectée de les identifier comme délirantes. Les idées délirantes sont si réelles qu’elles s’imposent
d’elles-mêmes et qu’il est impossible de les remettre en question. Ceci est caractéristique de la maladie schizophrénique, mais se trouve aussi dans
d’autres pathologies psychiatriques. Le contenu des idées est très variable et marqué par le contexte culturel.
Les troubles du cours de la pensée
À côté des symptômes précédents, on trouve aussi dans la schizophrénie des troubles du cours de la pensée. Les psychiatres désignent avec ceci des
phénomènes de perte des « chaînons associatifs » entre les idées qui sont exprimées. Le plus souvent ceci se traduit par une pensée illogique : par exemple
des « coq-à-l’âne » (où l’on passe d’une idée à une autre sans qu’aucun lien ou association ne puisse la justifier), ou des réponses à des questions qui
n’ont rien à voir avec les questions posées. Quand ces troubles sont très sévères au décours d’une crise aiguë par exemple, il se peut que la cohérence de
la pensée disparaisse au point que l’expression verbale devient embrouillée. Ou bien, la personne va employer à certains moments donnés, des mots de
manière inhabituelle. Ou bien encore, elle va inventer carrément de nouveaux mots (néologisme), ou arrêter son discours au beau milieu d’une phrase. Les
psychiatres appellent ce dernier phénomène « barrages ».
Troubles neuro-cognitifs
Ce sont des troubles neuro-cognitifs qui vont affecter les capacités de concentration, de mémoire, de planification et autres fonctions de l’esprit. Les
symptômes cognitifs intéressent de plus en plus les psychiatres car ils sont corrélés avec la capacité d’agir, d’interagir et de trouver sa place dans la
société.
Les symptômes négatifs
Les symptômes dits négatifs sont pour les malades difficilement supportables. Ils sont souvent pour eux plus difficiles à porter que les symptômes dits
positifs. Il est parfois plus facile d’accepter les hallucinations que le repli social (75% des patients), la passivité (55%), l’absence de conversation
(54%), l’absence d’intérêt pour les loisirs (50%), le ralentissement, l’apathie (une indifférence assez globale), l’émoussement affectif et les symptômes
dépressifs.
Ces symptômes sont liés à la maladie, certes, mais aussi à la façon dont l’entourage et la société se positionnent face aux personnes malades. Le rejet, la
peur, les préjugés dont les personnes malades déjà suffisamment en souffrance sont victimes au quotidien participent pleinement au handicap. Ils sont
doublement pénalisés : par la maladie et par la vision que les autres ont et leur renvoient d’eux-mêmes.
Les symptômes moteurs
Les symptômes moteurs peuvent êtres également très variés. On peut trouver par exemple des gestes en inadéquation avec le récit verbal qu’ils accompagnent,
ou des postures, ou des mouvements bizarres (présents chez un quart des malades) jusqu’à des états d’agitation, ou au contraire de catatonie (perte
d’initiative motrice, attitude figée, raideur généralisée).
La phase aiguë
Les symptômes que nous venons de décrire ne sont heureusement pas tous présents chez une même personne et tous à la fois. Ils sont caractéristiques des
moments de crise ou phases aiguës de la maladie où l’on en trouve souvent un certain nombre.
Cette phase particulière et sévère survient et s’installe souvent très insidieusement ou au contraire brutalement. En début de crise, le plus courant est
que les changements soient minimes. On peut ressentir quelques symptômes précoces et a priori anodins comme des difficultés de regarder la télévision ou
une petite nervosité insignifiante. Puis très vite, si on ne fait rien, la maladie va prendre le dessus et s’aggraver rapidement.
Ce sont les troubles du comportement qui vont en premier lieu alerter l’entourage. Le comportement n’est plus compréhensible, la communication entre la
personne affectée et ses proches devient problématique voire impossible.
Quand il s’agit d’une première phase aiguë chez un jeune, l’entourage et la famille n’ont pas toujours l’idée qu’il puisse s’agir d’une maladie psychique.
Ceci complique davantage la situation pour le jeune en souffrance, mais aussi pour toutes les autres personnes impliquées. C’est seulement quand la maladie
est reconnue en tant telle, que la compréhension réciproque est de nouveau possible. Le vécu du malade et surtout son comportement ne peuvent s’expliquer
que lorsque l’on découvre et l’on intègre la dimension et la dynamique de la maladie.
Il n’est pas rare que dans la période qui précède le diagnostic, il y ait des conflits dans la famille, des ruptures avec les amis voire les petits
amis, des exclusions d’associations et des situations de retrait social et de perte de repère en général. Les personnes malades peuvent arrêter leur
formation, perdre leur travail, leur appartement et vite se marginaliser.
Le diagnostic n’est souvent posé qu’au moment où tous les efforts de part et d’autre pour affronter la situation ont échoué, et où la tension est telle que
la personne finit par s’effondrer psychiquement (et physiquement aussi). La solution devient une hospitalisation d’urgence et c’est dans les services
d’accueil d’urgences que la phase aiguë va enfin être identifiée en tant telle.
Les causes de la schizophrénie
Mais d’où cela peut-il venir ?
Probablement tous les patients, les familles, les amis et connaissances se sont posés cette question un jour ou l’autre. Ils se demandent si tout cela
n’aurait pas pu être évité en agissant différemment ou en vivant différemment. Est-ce un mode de vie? Est-ce un type de relation à l’intérieur de la
famille comme certains l’ont affirmé pendant des décennies rendant ainsi la mère de la personne affectée responsable et coupable de tout ?
Pour l’instant, personne ne peut dire avec une certitude totale comment les schizophrénies se forment et se déclenchent. Beaucoup de travaux de recherches
s’intéressent à ce sujet. Probablement, l’explication ne se trouve pas dans une cause, mais dans tout un faisceau de causes différentes.
Une grande vulnérabilité aux stimuli externes et internes
Toute la connaissance scientifique actuelle permet au moins d’affirmer que les personnes qui sont touchées par une schizophrénie sont plus sensibles face à des stimuli internes et externes : vulnérabilité génétique,
perturbation dans le développement de la personne, facteurs environnementaux comme la consommation de cannabis,… On parle de la rencontre de ces divers
facteurs qui déclencherait la maladie, un concept qui existe pour expliquer le déclenchement de nombreuses autres maladies psychiatriques.
Des fondements biologiques
La recherche récente sur les fondements biologiques de la schizophrénie a beaucoup fait avancer la compréhension et la thérapie de la maladie. On avance
des perturbations de la neurotransmission (dopamine, glutamate et bien d’autres) dans certaines régions du cerveau, des processus immunitaires (suite par
exemple à des infections), une implication génétique. De nombreuses pistes sont explorées en parallèle par des équipes de recherche, partout au monde. Il
est impossible malheureusement de les détailler toutes ici.
Soigner la maladie
Bien que la schizophrénie soit une maladie qui peut être sévère, il est possible à l’heure actuelle de la prendre en charge. Et si les résultats de cette prise en charge ne sont pas toujours aussi bons qu’on le désirerait, pour beaucoup patients, ils vont s’avérer très
satisfaisants. Nous savons qu’environ 2/3 des patients vont avoir une évolution positive voire très positive. Chez environ un tiers des patients, l’évolution sera cependant marquée par toute la sévérité de cette psychose. Chez eux la maladie évoluera de manière
chronique avec des récidives, ou parfois même de manière continue. Mais pour ces malades également, les prises en charge diminueront les symptômes, soulageront la souffrance et seront un appui pour apprendre à vivre avec la maladie et à trouver sa place dans la société.
Entreprendre une prise en charge sur du long terme exige beaucoup de patience
pour toutes les personnes concernées.
L’idée reçue dans nos sociétés que la schizophrénie serait une maladie « incurable » entrave elle-même le succès de la prise en charge
. Elle diminue chez les aidants la détermination thérapeutique et chez les patients elle provoque un pessimisme concernant leur propre avenir. Ainsi
doit-on s’occuper en parallèle, de la prise en charge de la maladie elle-même et du stigma engendré par la représentation pessimiste liée à ce type de
pathologie (A Finzen).
La prise en charge de la schizophrénie va devoir être individualisée pour s’adapter à chaque personne. Et les résultats serontd’autant meilleurs que la prise en charge sera précoce par rapport au déclenchement de la pathologie.
Cependant comme nous l’avons déjà expliqué, il s’écoule souvent des années entre les premiers symptômes encore prodromiques et la prise en charge
elle-même.
Mais concrètement que peut-on faire ? C’est une question qui revient souvent dans les cabinets des médecins généralistes, les cabinets des
psychiatres, dans les CMP. C’est une question qui préoccupe énormément les parents, les proches et les personnes concernées. La question paraît simple,
logique et justifiée. Pourtant ceux que l’on interroge ont beaucoup de mal à trouver une réponse qui satisfasse vraiment ceux qui veulent savoir.
Être patient, accepter la maladie, accepter l’aide des professionnels, accepter que toute la famille se fasse aider, ne pas s’isoler, et aussi chercher
toute l’information possible sur la maladie.
Internet
est un bon outil d’information. Il fournit des réponses, mais il importe de rester prudent : on y trouve toujours encore beaucoup de
choses qui sont fausses. Entre temps, il existe également beaucoup de livres sur le sujet et certains sont très bien.
Autres deux sources d’informations très appréciables : les groupes de psychoéducation, les groupes de Profamille, et les associations de familles touchées par les maladies psychiques comme l’UNAFAM
(http://www.unafam.org).
L’information est l’une des clefs qui va permettre à chaque patient d’améliorer sa capacité de se prendre en charge et de faire face à la maladie
(capacité que les professionnels nomment « l’empowerment ») dans un processus de prise de décision partagée entre les soignants et le malade.
De manière générale, c’est la coopération entre le patient et tous les aidants qui est le leitmotiv du succès d’une prise en charge, d’une réhabilitation et d’une réinsertion réussies.
Une des caractéristiques de la schizophrénie est que la personne affectée surtout en période aiguë n’arrive pas toujours à se reconnaître comme malade, ni
même à noter la progression des symptômes. Ce phénomène est nommé par les psychiatres « le manque d’insight ». S’informer permet de développer «
l’insight », de prendre conscience de sa maladie et donc d’intervenir plus efficacement.
Les trois piliers de la prise en charge
La prise en charge de la schizophrénie repose aujourd’hui sur trois piliers
: le traitement médicamenteux, la psychothérapie dans ses différentes formes (y compris les moyens d’éducation thérapeutique) et la réhabilitation et
réinsertion psychosociale dans le milieu du patient
.
Le traitement médicamenteux est indispensable
particulièrement dans les phases aiguës de la maladie et repose essentiellement sur des traitements dits « antipsychotiques ».
Dans la phase aiguë, ce sont ces médicaments qui vont libérer le malade de ses angoisses intenses, de sa peur d’être poursuivi ou intoxiqué (par exemple),
et qui vont permettre de réorganiser peu à peu la pensée brouillée. On distingue trois générations d’antipsychotiques et deux formes de prises pour ce
médicament : la voie orale ou en injection (forme à libération prolongée).
Tous les antipsychotiques n’ont pas le même profil pharmacologique. Ils ne vont pas non plus avoir tous les mêmes effets indésirables. Aujourd’hui, il
reste encore difficile de prédire avec exactitude quel antipsychotique parmi les différents produits disponibles va avoir les effets recherchés pour la
personne à qui ils sont prescrits. Souvent le médecin doit essayer plusieurs traitements avant de trouver celui qui agit le mieux et qui ne présente pas
trop d’effets indésirables.
Les traitements psychotropes ont des effets indésirables
qui peuvent gêner plus au moins la personne concernée. Ceci est aussi vrai pour les traitements psychotropes que pour tout autre traitement efficace. Le risque existe toujours. Personne n’aime prendre des kilos et pourtant certains antipsychotiques peuvent provoquer cette prise de poids
désagréable chez certains malades. D’autres peuvent provoquer des raideurs musculaires, ou encore une impatience interne.Il s’agit pour le malade et le médecin d’un calcul de bénéfice/risque qui est dans la cas du traitement de la schizophrénie très clairement en faveur des bénéfices liés au traitement.
Une autre des grandes difficultés est d’arriver à prendre tous les jours son traitement
. Surtout après la phase aiguë quand tout semble revenir à la normale et aller de nouveau plus ou moins bien. La personne souffrant d’une schizophrénie est
comme tout le monde : elle a envie d’arrêter. Et pourtant, il est souvent indiqué de poursuivre encore le traitement. Il est facilement compréhensible que
pour une personne jeune, cette contrainte soit dure à supporter. Et même pour les moins jeunes, il faut reconnaître qu’il est dur de se motiver à prendre
des médicaments tous les jours et en plus à heures précises. Chaque prise rappelle la maladie. La conséquence de toutes ses contraintes subies et
difficiles à assumer est que souvent on a tendance à vouloir les oublier et qu’effectivement on y arrive. Et les prises peuvent devenir irrégulières. Ou
alors, excédé, on finit vraiment par décider d’arrêter. C’est ce que les médecins appellent la « non-observance »du traitement. La non-observance est un
vrai problème.
De plus, il n’est pas rare non plus que cette prise quotidienne et la « non-observance » ou l’observance partielle deviennent source de tension entre le
jeune patient et ses parents ou ses proches.
Pour pallier à ce problème et trouver des alternatives à cette contrainte quotidienne, la plupart desantipsychotiques récents peuvent se trouver sous une forme injectable à libération prolongée. Certaines études montrent une diminution du taux de recrudescence de la maladie lorsque les psychotiques sont administrés de cette forme.
Cela demande une à deux injections par mois et laisse plus de liberté dans la vie de tous les jours. Mais là encore, souvent la représentation sociale de
cette forme de prise d’un médicament empêche les malades d’accepter ou les thérapeutes de proposer cette modalité de traitement : l’expression « être piqué
» fait partie du stigma dont souffrent les patients ayant une psychose schizophréniforme.
Les traitements antipsychotiques sont aujourd’hui dans les psychoses aiguës le moyen thérapeutique le plus efficace et le plus doux pour aider
rapidement la personne en souffrance à retrouver un certain bien-être et la sérénité.
Les traitements ne se prennent pas seuls. Dans aucun cas d’ailleurs, il ne faut avoir recours à l’automédication.
La pharmacothérapie est un acte volontaire et demande une prise de décision partagée entre le thérapeute et son patient. Pour la bonne réussite du
traitement, l’engagement doit être double et la confiance aussi.
Pour avoir plus d’information sur les différents antipsychotiques : www.vidal.fr/fiches-medicaments
Le deuxième pilier dans la prise en charge des patients présentant une schizophrénie est la psychothérapie.
Il existe de multitudes approches psychothérapiques possibles et efficaces qu’il s’agisse des psychothérapies individuelles d’inspiration psychanalytiques,
des thérapies cognitivo-comportementales, ou encore des groupes de psychoéducation, de la thérapie familiale, des groupes d’affirmation de soi, des groupes
de paroles, de la musicothérapie ou de l’art thérapie… Elles seront prescrites en fonctions des besoins de chacun. Des approches comme la mindfulness ou
l’hypnose sont moins utilisées voire parfois même contre-indiquées chez des patients présentant une psychose schizophrénieforme.
Dans la phase aiguë de la maladie, la psychothérapie a un caractère d’accompagnement et de soutien. C’est après la crise et la réduction des symptômes
aigus qu’elle retrouve vraiment sa place.
Le troisième pilier
aussi indispensable que la pharmacothérapie et la psychothérapie comporte un ensemble de mesures, techniques et interventions à visée de réhabilitation et réinsertion psychosociale. Le spectre des mesures et
interventions est très large. Peuvent être proposés aussi bien de la remédiation cognitive que de l’entraînement aux habilités sociales, de l’ergothérapie,
des mesures très concrètes d’accompagnement dans la cité (comme des logements ayant des aspects thérapeutiques), des aides à la formation professionnelle
ou un travail. Bref toutes les mesures qui visent la réhabilitation et la réinsertion peuvent être proposées dans l’objectif d’offrir à chaque personne une
vraie place dans la société. Les acteurs et les structures de réhabilitation et réinsertion psychosociales sont multiples : les Centres Médico
Psychologiques (CMP), les structures médico-sociales (qui proposent un suivi y compris à domicile de la personne et qui jouent un rôle central dans
l’accompagnement aussi bien au niveau du logement que dans la réinsertion dans la cité et dans le processus de retrouver des liens), les GEM (Groupes
d’Entreaide Mutuelle), les associations de quartier et beaucoup d’autres intervenants encore… Les propositions doivent être adaptées aux besoins et aux
projets de chaque personne. Elles nécessitent souvent des adaptations au décours de la prise en charge. Dans l’idéal, ces mesures de réhabilitation et de
réinsertion doivent intervenir tôt (après la première phase de crise psychotique ou au décours d’une hospitalisation si celle-ci s’avérait nécessaire).
Il n’y a pas d’alternative à cette approche de prise en charge intégrée basée sur les trois piliers
que nous venons d’exposer brièvement. Il n’existe pas de psychothérapie « causale » de la schizophrénie. La pharmacothérapie comme seule proposition
thérapeutique, abandonne le malade et sa famille. Et il n’y a aucun sens à proposer des mesures psycho et socio-thérapeutiques si la prise en charge
médicale n’est pas assurée : l’échec serait prévisible. Ceci demande une bonne coordination entre les différents aidants, le malade et sa famille. Et les
conseils sont toujours les mêmes : s’armer de patience, s’informer et chercher à être le mieux préparés possible, se donner du temps et de la
disponibilité, refuser l’isolement et chercher à être entourés. Pour cela, il est important de pouvoir s’appuyer non seulement sur un dispositif médical et
social fort, mais également sur un réseau social et humain développé avec des amis, des proches, des voisins attentifs et surtout une société à peu près
tolérante.
Si tous les moyens thérapeutiques et humains sont mis en œuvre presque toutes les personnes souffrant d’une psychose schizophréniforme ont une chance
de vivre une vie meilleure
.
Pour aller plus loin, quelques liens utiles :
L’Unafam
– Union Nationale des Amis et Familles des Malades Psychiques
: Elle a un objectif d’accueil, de soutien, et d’information auprès des malades et des familles confrontées aux troubles psychiques. Elle est présente dans
toutes les régions et départements français. Elle propose des numéros d’appel et des écoutes gratuites et anonymes assurées par des psychologues
cliniciens. Elle organise également des groupes de paroles et autres activités. [email protected]
FNAPSY – Fédération Nationale des Associations d’Usagers en Psychiatrie. Son site est intéressant parce qu’il fournit un annuaire complet des associations d’ « usagers en psychiatrie » et l’on y présente toutes les
associations affiliées : http://www.fnapsy.org
http://www.agapsy.fr :
L’AGAPSY est la fédération nationale des Associations Gestionnaires pour l’Accompagnement des personnes handicapées Psychiques. L’Agapsy est actuellement en train de fusionner avec un des
grands autres acteurs de la santé mentale La Fédération d’Aide à la Santé Mentale Croix-Marine (FASM Croix-Marine). Cette fusion doit aboutir en
2015 à la création officielle de la « Fédération Nationale Santé Mentale France : Accompagner, Soigner, Entreprendre ».
Quand une personne souffrant de schizophrénie nous parle de sa vie avec la maladie . A Lire: un livre du Polo Tonga, Dialogue avec moi-même.