On en parle de plus en plus : le burnout. Tout le monde connaît quelqu’un qui semble être touché par le burnout. Une épidémie ? Un mot plus acceptable et moins stigmatisant que dépression ? Quoi qu’il en soit beaucoup de cadres, entrepreneurs, salariés et mères de familles se posent la question : est-ce que j’ai seulement un peu trop travaillé ou est-ce que je suis touché, moi aussi par le burnout ?
Comment s’y sensibiliser ?
Est-ce que vous vous êtes déjà fait une des remarques suivantes ?
- Je travaille plus que je ne le souhaiterais.
- Mon cercle d’amis s’est appauvri ces derniers temps.
- Il me faudrait bien un verre ou deux d’alcool ce soir pour me détendre après le travail.
- C’est de plus en plus difficile de ne plus penser au travail même une fois à la maison.
- J’ai arrêté un loisir, car je ne trouve plus la force, je suis trop fatigué.
- Je suis devenu plus irritable, parfois même agressif.
- Il est vraiment difficile de trouver le sommeil le soir.
- J’ai l’impression que tout me dépasse.
- Je fatigue plus vite.
- Les autres m’énervent.
C’est oui ? Dans ce cas, il est peut-être utile de continuer la lecture.
Le burnout, un sujet pas si nouveau
Les premières descriptions dans la littérature scientifique réalisées par des psychologues datent des années 1970. Malgré les plus de 40 ans écoulés depuis et des nombreuses d’études réalisées sur ce sujet, à l’heure actuelle il n’existe pas encore une définition unique et largement acceptée, ce qui est plutôt dommageable. En effet, au niveau scientifique, les études ne vont pas être toujours comparables entre elles (car elles ne parlent pas de la même chose). Au niveau clinique, beaucoup de professionnels appliquent des définitions ‘ad hoc’ ou ‘individuelles’. On confond alors facilement le burnout avec d’autres maladies comme la dépression avec laquelle il partage un certain nombre de signes cliniques (mais qui a souvent une autre dynamique au début de la maladie). Il peut aussi être induit par un stress intense ou chronique ou encore être confondu avec certains troubles anxieux.
Qu’est-ce alors que le burnout ?
La plupart des définitions existantes s’accordent cependant sur les signes suivants :
- le burnout est un processus qui n’arrive pas d’un jour à l’autre,
- il s’agit d’un phénomène émotionnel qui peut toucher aussi bien la sphère psychique que la sphère somatique de l’homme,
- le burnout peut provoquer une incapacité de travailler totale et définitive,
- Il peut amener la personne concernée au suicide,
- le burnout induit une souffrance significative pour la personne qui en souffre,
- il induit également une souffrance ou au moins de graves préoccupations pour son entourage,
- et enfin le burnout a un coût important pour la société.
Quels sont les signes de la maladie ?
Toute la difficulté commence avec cette question. Certaines études recensent jusqu’à 130 symptômes différents, ce qui n’est bien évidemment pas opérationnel dans la pratique clinique. Trois symptômes majeurs se dégagent cependant des différents travaux :
- une fatigue émotionnelle : être vidé nerveusement, ressentir une intense fatigue psychologique ;
- une baisse subjective d’efficience : sentiment d’échec et de déclin des compétences ;
- une attitude détachée, négative voire parfois agressive vis-à-vis d’autrui (en particulier vis-à-vis des collègues ou des clients).
La dynamique de la maladie
Mais aussi importante que ces symptômes est la dynamique de la maladie.
Elle commence presque toujours avec une phase marquée par une augmentation de l’énergie déployée et une fatigue consécutive. Puis dans la deuxième phase, on va retrouver une baisse d’engagement aussi bien envers les clients que les collègues ou l’entourage élargi. On parle aussi d’une « démission interne » de la personne. Ensuite, on notera une irritabilité et une baisse de l’humeur. Dans la quatrième phase, on trouvera les premiers troubles cognitifs (souvent la mémoire et la concentration sont affectées) et une baisse de la motivation (faire le minimum nécessaire), mais aussi une atteinte à la créativité et à la spontanéité. Puis, certaines sphères du vécu vont s’appauvrir en particulier au niveau émotionnel avec un vide intérieur mais aussi au niveau relationnel et social. Dans la phase suivante, les signes somatiques de la maladie vont apparaître : troubles cardio-vasculaires, troubles intestinaux, des douleurs diffuses, des crampes musculaires, des perturbations du système immunitaire, etc. La dernière phase est marquée par le désespoir et des idées noires et suicidaires.
C’est ainsi en regardant l’évolution des symptômes dans leur contexte professionnel que le diagnostic peut être posé.
Est-ce que le burnout est courant ?
Cette question aussi est assez compliquée. De quelle phase est-ce qu’on parle ? De la dynamique au début ou du désespoir après des mois voire des années de souffrance ? Les études épidémiologiques dites « objectives » sont rares. Une enquête allemande a posé la question unique : « Est-ce que vous ne vous sentez pas loin de craquer ?». Environ 10 % des 2000 personnes interrogées ont répondu « oui ». Ceci ne veut pas dire que 10 % de la population serait en burnout, mais que 10% des sujets interrogés pourraient au moins s’imaginer « un mieux ».
Est-ce que toutes les professions présentent le même risque de développer un syndrome de burnout ?
En principe, le burnout peut se développer dans toutes les situations professionnelles, mais aussi hors du contexte professionnel comme par exemple dans la « gestion de la famille ». Certaines professions semblent cependant plus touchées, sans qu’on sache aujourd’hui s’il ne s’agit pas seulement d’une orientation trop ciblée des recherches : certaines professions ont été plus particulièrement étudiées et pas d’autres. A côté des managers (on a souvent associé le burnout à une maladie des cadres), toutes les professions d’aidants sont très exposées, les auxiliaires de vie, les infirmières et aides-soignants (mais aussi les médecins) dans les unités pour personnes âgées, ou aux urgences, les personnes travaillant dans les maisons de retraite, etc.
Quelle en est la cause ?
Il existe un modèle appelé « modèle de l’oignon ».
Au centre de ce modèle, on trouve la personnalité de la personne. Celle-ci peut être plus au moins perfectionniste, plus au moins rigide, a toute une histoire avec ses victoires et ses blessures. Puis dans une seconde sphère autour du centre, se trouvent les relations interpersonnelles. Ensuite vient le niveau institutionnel, englobé à son tour dans ce qui serait la sphère du niveau sociétale, lui-même compris dans un contexte plus global et général.
Les différents niveaux s’influencent réciproquement et peuvent être à l’origine de la dynamique du burnout. Le plus souvent, tout se joue à l’interface entre la personnalité, les relations interpersonnelles et le niveau institutionnel.
Certains traits de la personne ou plutôt une certaine façon de percevoir les choses sont plus à risque pour le burnout. Cela pourrait se traduire ainsi : « Sois perfectif, irréprochable », « Donne le maximum (et arrête seulement quand tu n’en peux plus) », « Sois rapide et efficace », « Sois fort et ne montre pas d’émotions », « Pense d’abord aux autres et jamais à toi ». Ces exemples de cognitions sont fréquents chez les personnes touchées par le burnout. Autrement dit, les personnes « les plus à risque » sont souvent les plus investies, les plus attentives aux autres et les plus exigeantes avec elles-mêmes.
Sur le plan institutionnel et interpersonnel, on parle beaucoup depuis quelques années du « mobbing » ou « harcèlement au travail ». La prise en compte des risques psychosociaux au sein de l’entreprise publique ou privée est malheureusement trop souvent encore une simple voeu pieux, même si certaines entreprises ont réalisé parfois seulement après des événements dramatiques des progrès importants dans la prise en compte de la personne.
Que faire ?
Prévention, prévention, prévention et encore une fois prévention !
La prévention s’organise au sein de l’entreprise, mais aussi au niveau individuel.
Quelques conseils au plan individuel : « Ne néglige pas tes propres besoins », « Accepte de ne pas être infaillible », « Assume de parfois devoir dire non », « N’oublie pas tes autres valeurs en dehors du travail », « Garde les yeux ouverts », « Fais des économies, ne t’habitue pas trop vite au confort qui peut devenir un piège », « Formule des visions et des objectifs professionnels pour toi » et « Reste flexible ».
Sur le plan émotionnel, si la personne a beaucoup de mal à prendre de la distance par exemple le soir après le travail, certaines techniques comme la méditation de pleine conscience peuvent permettre d’apprendre une autre façon de faire avec les émotions.
Une fois le trouble installé, la première personne à contacter est alors son médecin généraliste et éventuellement un psychiatre psychothérapeute. Un arrêt de travail est souvent nécessaire et le repos indispensable. Ensuite suivant la gravité de la situation, différentes propositions seront à envisager. Un traitement médicamenteux d’appoint peut être proposé. Sur un plan psychothérapique, une thérapie cognitive ainsi que l’apprentissage de techniques de gestion des émotions et d’affirmation de soi peuvent s’avérer tout à fait pertinents. Il existe des programmes de prise en charge structurés en individuel ou en groupe et quand la crise est importante, quelques cliniques privées en France ont des unités spécialisées de prise en charge de la personne en burnout.
Que doit-on faire si on voit un ou une collègue en train de développer un burnout ?
Surtout ne pas faire semblant de rien voir ! Chercher activement la rencontre, peut-être hors du contexte d’un conflit. Ne la lâchez pas ! Ce n’est pas au premier entretien que l’on va trouver une solution La patience est un bon allié. Chercher le contact avec la hiérarchie, la médecine du travail, etc. Discuter en équipe sur une organisation différente et pertinente du travail. Ne pas craindre d’être créatif !
Cette attitude s’applique également (avec toutes les entraves prévisibles) quand c’est un supérieur hiérarchique que l’on voit « se consumer » de l’intérieur.
Au niveau institutionnel, lorsque le burnout concerne les collaborateurs, il est important de questionner l’ensemble de la structure. Souvent une supervision par des personnes extérieures à l’entreprise peut être d’une aide très précieuse.
Quand une institution, une entreprise privée ou publique veut sérieusement combattre le burnout, les options et possibilités ne manquent pas. Mais c’est un processus qui demande de la motivation et du temps et qui n’aboutira souvent qu’après un investissement continu et convaincu. La persévérance tout comme la patience est la clef du succès. Elle repose sur la conviction qu’un changement est réellement nécessaire. Le burnout est le reflet d’une situation de crise, d’un disfonctionnement. Le temps est certes limité et représente un coût pour une entreprise, mais accepter de passer un peu de temps à trouver des solutions ne peut qu’augmenter l’efficience de l’ensemble de l’organisation.
Professeur Raymund Schwan, Psychiatre à Nancy
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