La trichotillomanie
Nous avons tous au moins une fois dans notre vie (et sûrement plus) fait le geste de tirer sur l’une de nos
mèches de
cheveux
ou celui de s’amuser à s’entortiller cette dernière autour d’un doigt. Cela peut se produire dans un moment
d’ennui,
de préoccupation ou alors de grande réflexion, ou simplement parce que l’on est perdu dans ses pensées et que
cela « occupe
les mains ».
Ce petit geste innocent pour la plupart d’entre nous, peut se convertir pour certains en une véritable manie. Ces
personnes
vont passer des heures à s’entortiller les cheveux et à se les arracher parfois même jusqu’à l’alopécie (la
calvitie).
C’est en 1889 que le médecin français François Henri Hallopeau (1842-1919) a décrit et nommé pour la premier fois
ce
phénomène : la trichotillomanie. Mais il fallu attendre de nombreuses décennies encore pour que la médecine
commence
à reconnaître la trichotillomanie comme une maladie du contrôle des impulsions.
Quels en sont les signes ?
La caractéristique principale du trouble est la présence soit de manière phasique (par phases) soit de manière
continue,
d’un besoin irrésistible de s’arracher les cheveux (soit un par un, soit par mèches).
Selon le DSM-5 (dernière version de 2013 du manuel de classification américain des troubles psychiatriques qui
fait
référence chez les spécialistes), la trichotillomanie fait partie de la catégorie des Troubles Obsessionnels
Compulsifs (TOC).
Suivant les critères retenus par le DSM-5, le diagnostic de « trichotillomanie » peut être posé (par le médecin)
lorsque
l’on retrouve les signes suivants :
-
Besoin irrésistible de s’arracher les cheveux aboutissant à une alopécie manifeste.
-
Essais infructueux pour contrôler ou arrêter ce besoin de s’arracher les cheveux.
-
« L’arrachage de cheveux » provoque une souffrance significative ou disfonctionnement au
niveau social, professionnel ou dans d’autres domaines de la vie importants.
-
« L’arrachage des cheveux » ne peut pas être expliqué par une autre affection somatique
(comme une maladie dermatologique).
-
« L’arrachage des cheveux » ne peut pas être expliqué par une autre affection psychiatrique (par
exemple la
dysmorphophobie).
Est-ce que c’est courant ?
On estime que la trichotillomanie concernerait à peu près 1% de la population. Les études épidémiologiques pour
connaître
exactement l’étendue de cette maladie s’avèrent particulièrement difficiles, car la maladie est accompagnée chez
les
personnes touchées d’un sentiment de culpabilité fort les empêchant de se confier à une tierce personne
(entourage ou
professionnel de santé) et encore moins dans le contexte d’une étude. Environ la moitié des personnes, donc
environ 0,5%
de la population, remplirait tous les critères du tableau clinique (exposé ci-dessus).
Quand cette maladie se manifeste-t-elle ?
Depuis les années 1990 environ, on sait qu’une minorité (environ 6%) des patients a commencé avec ce comportement
dans la
petite enfance (avant l’âge de six ans). Chez beaucoup d’autres, la trichotillomanie se manifeste pendant
l’adolescence.
Mais les premières manifestations peuvent aussi avoir lieu seulement à l’âge adulte. Selon les études, la
trichotillomanie
toucherait autant les femmes que les hommes, ou bien plutôt les femmes. Les résultats ne sont pas encore
convergents sur ce
sujet. Chez l’homme, la calvitie à partir d’un certain âge serait plus commune et acceptée. Et au contraire, les
femmes
seraient culturellement plus demandeuses de soins par rapport à ce problème.
D’où est-ce que ça vient ?
Comme souvent en santé mentale, plusieurs hypothèses sont avancées. Des facteurs sociaux, psychiques,
neurobiologiques et
génétiques pourraient être à l’origine de cette pathologie. La recherche sur les causes s’avère d’autant plus
compliquée
que la trichotillomanie n’est pas une maladie ‘homogène’. L’un des facteurs communs que l’on retrouve chez la
plupart des
personnes concernées est une
dérégulation émotionnelle. S’arracher les cheveux permettrait de réguler
de manière
non-consciente l’état émotionnel. Mais aussi des
symptômes
dépressifs, des
difficultés scolaires, des
sévices
et
traumatismes divers feraient partie du spectre des causes retrouvées. Sur le plan
neurobiologique (en effet,
il existe aujourd’hui des modèles animaux de la trichotillomanie), certaines molécules synaptiques (comme le
SAPAP3) ont été
identifiées chez les animaux. Et comme dans la dépression ou dans les troubles
obsessionnels et
compulsifs, une
dérégulation d’un neurotransmetteur que l’on appelle « la sérotonine » semble jouer un rôle
important.
Quelles sont les conséquences ?
A côté de l’
alopécie partielle ou complète qui peut concerner la chevelure ou d’autres parties du corps,
on peut
trouver des conséquences somatiques liées à
l’indigestion
des cheveux. Ces derniers peuvent former dans l’estomac un «
trichobézoard
» (accumulation d’un ‘ballon’ de cheveux). Et il existe même des cas d’ «
iléu
» c’est-à-dire une
occlusion intestinale (ce qui est heureusement extrêmement rare). A côté
de ces
conséquences somatiques, cette maladie provoque un
mal être
psychique important. Les personnes concernées ont souvent honte et essayent au début de cacher
les
conséquences de leur comportement par des coiffures particulières, des perruques, etc. Puis ils n’osent souvent
plus
sortir et se
retirent socialement. La
dépression
, le
mésusage d’alcool ou de
benzodiazépines
sont des comorbidités courantes que l’on va alors retrouver.
Que faire ?
Dans un premier temps en parler : à sa famille ou à son entourage, à son médecin de famille, à un
psychiatre.
Une fois effectué ce premier pas, la prise en charge thérapeutique sera axée essentiellement sur la
psychothérapie. Les
Thérapies Cognitives et
Comportementales (TCC) ont fait la preuve de leur efficacité dans les études internationales
portant sur le sujet.
Cette prise en charge sera parfois accompagnée d’un
traitement pharmacologique et éventuellement d’interventions au niveau
familial (si
indiqué).