Les troubles bipolaires
Le grand huit des émotions et de l’humeur. C’est ainsi qu’on peut probablement décrire en
quelques
mots cette maladie qui affecte suivant les études entre 1,5% et 5% de la population. Ainsi les
troubles bipolaires font partie des troubles psychiques les plus courants. Pourtant seule
une minorité des malades reçoit un traitement spécifique car souvent la maladie n’est pas
diagnostiquée
ce qui n’est pas sans conséquences et représente même un réel danger pour la vie de la personne. Chez les
patients
souffrant d’un trouble bipolaire et d’une addiction, le risque de passage à l’acte
suicidaire
est très élevé. Et les chiffres montrent que 15% des personnes décédées par suicide étaient bipolaires.
Les personnes qui souffrent d’un trouble bipolaire vivent dans les extrêmes de l’humeur, de l’émotion et de
l’action. Une ivresse d’émotions et de plaisir, une énergie débordante, des idées géniales qui défilent, pas
besoin
de dormir, aucune sensation de fatigue, de l’énergie pour changer le monde, ici, maintenant, tout de suite, et
bien
évidemment tout le monde se doit de participer à leur vaste entreprise. C’est la manie, c’est
l’enthousiasme
de la manie qui va être caractéristique d’un des extrêmes du trouble bipolaire.
A l’autre extrême, on verra des jours d’une tristesse profonde, sans excitation sexuelle,
sans plaisir, sans énergie, mais avec des angoisses, un pessimisme, une perte d’élan vital et des idées
suicidaires.
Cette maladie est responsable d’une souffrance énorme pour la personne concernée ainsi que pour son entourage.
Elle est souvent aussi non diagnostiquée dans les premières années (la moyenne du retard de diagnostic est de 8
à
9 ans). La personne et ses proches n’ont pas forcément conscience de son déclenchement ni de sa progression et
ne consultent pas. Pour le médecin, les symptômes sont assez proches d’autres troubles psychiatriques… Et
pourtant
c’est une maladie qui dès qu’elle est identifiée est très bien prise en charge.
Qu’est-ce le trouble bipolaire ?
Le trouble bipolaire qu’on appelait auparavant psychose maniaco-dépressive est une maladie potentiellement
sévère et nécessitant un traitement médical.
Tout le monde connaît des variations de l’humeur. On n’est pas content si on a raté quelque chose ou si l’on se
trouve dans une situation de rupture non désirée. Et on est content quand au travail par exemple on reconnaît
nos
compétences. Ces variations de l’humeur sont tout à fait normales et adaptées aux changements perpétuels de la
vie.
En contraste à ces variations normales, chez les patients souffrants d’un trouble bipolaires, ces changements
thymiques
sont exagérés et peu adaptés à la situation de vie. Souvent ils surviennent sans lien avec le contexte, ou ils
persistent
très longtemps après l’événement à l’origine de la contrariété ou de l’euphorie. Ainsi l’humeur développe une
dynamique
propre indépendante du contexte de vie.
Les troubles bipolaires regroupent plusieurs maladies de l’humeur. Ce qui les différencie par rapport à
d’autres troubles de l’humeur comme la dépression unipolaire (une seule humeur = triste), c’est essentiellement
la bipolarité de la variation pathologique de l’humeur (le grand 8 de l’humeur).
On distingue le trouble bipolaire de type I qui est marqué par des épisodes maniaques
qui alternent avec des épisodes dépressifs. Pour pouvoir parler d’une épisode maniaque, il faut que
cet épisode dure (sans traitement) au moins 14 jours.
Le trouble bipolaire de type II est marqué par des épisodes hypomaniaques
(c’est-à-dire moins extrêmes qu’un accès maniaque) et des épisodes dépressifs.
Certains auteurs décrivent aussi le trouble bipolaire de type III et la cyclothymie. La
cyclothymie est un état qui doit durer au moins pendant deux ans avec des variations importantes de l’humeur
sans que pourtant tous les critères du trouble bipolaires de type I ou II soient remplis. En janvier 2015, à
Zurich l’équipe de Jules Angst, un grand spécialiste de ce trouble plaide même pour rajouter une catégorie
supplémentaire : le trouble maniaque unipolaire (sans épisodes dépressifs).
Le trouble bipolaire est une maladie cyclique. Mais il y a aussi des moments où l’on peut
retrouver des symptômes dépressifs et de la manie en même temps. Par exemple une tension interne intense avec
réduction du sommeil avec une thymie dépressive. On parle alors d’une symptomatologie mixte.
La durée des épisodes et le temps entre les épisodes peut varier entre quelques jours à des mois voire des
années, ce qui rend le diagnostic parfois difficile dans la mesure où les personnes concernées ne se souviennent
pas forcement avoir eu une « épisode hypomaniaque » des années auparavant. En moyenne un épisode dure si
la personne ne reçoit pas un traitement adapté plusieurs mois et parfois plus d’un an. Certains malades ont
plus
d’épisodes maniaques, mais le plus souvent les épisodes dépressifs sont prédominants. Entre les
épisodes,
on peut trouver des phases de rémission complète sans signes de la maladie. La personne vit alors et peut
faire face à la vie de tous les jours sans trop de gêne tant au niveau social que relationnel ou émotionnel.
Fréquemment les troubles bipolaires se manifestent entre l’âge de 20 et 30 ans, parfois bien
plus tôt chez certains enfants. Cette maladie touche autant les femmes que les hommes. Cependant les femmes
présentent
plus d’épisodes dépressifs que les hommes et les hommes plus d’épisodes maniaques que les femmes.
Les troubles bipolaires sont des « vraies maladies » et ne concernent d’ailleurs pas seulement la sphère
psychique, mais souvent aussi la sphère somatique (physique).
Quels sont les signes de la maladie ?
La manie
Un épisode maniaque est marqué par :
- un sentiment intense d’euphorie (gaité intense),
- un sentiment de satisfaction,
- un sentiment d’autosatisfaction,
- un sentiment de puissance,
- une réduction de temps de sommeil sans fatigue,
- de l’irritabilité voire de l’agressivité,
- une proximité inadaptée avec les autres personnes,
- une hypersexualité avec parfois des passages à l’acte qui sont souvent à l’opposé des valeurs morales de la
personne
et provoquent après l’épisode souvent un sentiment de honte et de culpabilité,
- des idées de grandeur,
- des projets qui sont initiés mais pas réalisés par la suite,
- une logorrhée (besoin irrésistible de parler beaucoup),
- des troubles au cours de la pensée avec des coqs à l’âne (passage d’une idée à une autre sans recherche de
cohérence),
- une hyperactivité générale,
- un mésusage des substances psychoactives.
Pendant les épisodes maniaques, les personnes peuvent se mettre dans des situations délicates et difficiles :
achats dépassant largement leurs moyens financiers (nécessitant parfois des mesures
de protection), résiliation de leur contrat de travail, promiscuité sexuelle avec des partenaires
différents et
le risque des maladies sexuellement transmissibles et des ruptures sentimentales consécutives, violation de la
loi,
etc.
Heureusement tous ces symptômes ne sont pas toujours présents en même temps chez la même personne.
L’hypomanie
Souvent les personnes dans les phases hypomaniaques sont très actives, créatives, travailleuses, parfois
excentriques. Contrairement à l’épisode maniaque les personnes concernées ne dépassent pas la limite de ce
qui est
communément accepté par l’entourage. Pour certains, il s’agit même d’une phase très productive de
leur vie.
Ernest Hemingway, Virginia Woolf ou Robert Schumann ont crée une littérature d’exception ou une musique qui
perdure
à travers les siècles pendant ces phases. Cependant si la phase s’arrête, souvent la dépression s’installe et
fige la
personne. L’hypomanie n’est souvent pas vécue par la personne comme un état pathologique, mais plutôt comme un
moment
agréable surtout s’il arrive après un épisode marqué par la morosité.
Les signes dépressifs
Les principaux symptômes que l’on retrouve sont :
- une tristesse qui perdure sans raison
- une humeur dépressive
- une perte de plaisir
- une perte de volonté
- une perte de la libido
- des ruminations dépressives (le ressassement permanent des mêmes idées noires)
- des troubles du sommeil
- une grande fatigue
- des idées noires et suicidaires
- une perte ou au contraire une prise de poids
D’où viennent les troubles bipolaires ?
Les troubles bipolaires sont une maladie du cerveau qui évolue dans le contexte de vie de la personne.
La recherche qui s’intéresse aux causes des troubles bipolaires, a avancé dans plusieurs directions. Les
facteurs suivants semblent participer au déclenchement de cette maladie :
- Des facteurs biologiques : chez des malades souffrants d’un trouble bipolaire, ont été trouvées des modifications concernant la communication entre les cellules du cerveau qu’on appelle aussi la neurotransmission qui est elle basée sur des neurotransmetteurs. Il existe beaucoup de neurotransmetteurs dans le cerveau qui ont tous des spécificités et des fonctions différentes. L’hypothèse principale est qu’il s’agit d’un déséquilibre entre les différents neurotransmetteurs.
- Des facteurs génétiques pourraient être avec une certaine fréquence à l’origine du déséquilibre des neurotransmetteurs. Dans les études scientifiques menées sur le sujet et réunissant des données sur des familles, mais aussi sur des jumeaux , les chercheurs ont trouvé que les membres de certaines familles étaient particulièrement touchées par des troubles bipolaires. De même, si un vrai jumeau souffre d’un trouble bipolaire, son frère a une probabilité de 65% d’être affecté également de cette pathologie et ceci même s’il a grandi dans une autre famille.
- Des facteurs environnementaux liés à des traumatismes dans l’enfance ou à des situations de stress plus tardives sont souvent notés et peuvent participer au déclenchement de la maladie.
Que peut-on faire ?
La prise en charge d’un trouble bipolaire doit être réalisée par un médecin. Le médecin généraliste est
le premier interlocuteur, mais le diagnostic doit être posé par un médecin psychiatre.
Pour trouver un psychiatre, on peut demander à son médecin généraliste, consulter le
site de l’assurance maladie, chercher des conseils auprès d’amis ou connaissances, s’adresser aux antennes
locales
des associations dédiées à la maladie psychique ou s’adresser directement à Centre Médico
Psychologique
(le CMP). Les Centres Médico Psychologiques sont « le pilier de l’offre publique de soins
psychiatriques » en France
à l’heure actuelle. Ce sont les structures de soins publiques et ambulatoires de proximité qui permettent de
couvrir tous
les besoins en santé mentale sur tous les secteurs du territoire français. On va y trouver tous les spécialistes
de la santé
mentale pour tous les types de prise en charge.
En France il existe aussi dans les grandes villes universitaires (CHRU) des centres d’expertise pour le trouble
bipolaire. Il s’agit des Centres Experts Bipolaires qui ont été mis en place par la Fondation
FondaMental
La prise en charge est basée sur un traitement médicamenteux, psychologique et parfois social.
Les traitements de références sont les thymorégulateurs (pour des informations détaillées voir
: vidal.fr). Il s’agit d’un groupe de médicaments avec des
modes
de fonctionnement différents. Souvent la prise de ces traitements doit s’envisager à long terme, y compris
pendant
les phases de rémission. La plupart des patients devrait les prendre tout au long de leur vie, ce qui est
parfois
difficile à accepter à cause de leurs effets indésirables.
La prise en charge d’un épisode maniaque demande selon la sévérité de la symptomatologie parfois une
hospitalisation en milieu spécialisé. Mais, pour l’épisode maniaque comme pour
la plupart
des situations en psychiatrie, plus tôt il est pris en charge, plus rapidement et plus facilement le malade sera
soulagé
de sa souffrance, et plus la probabilité sera forte d’éviter une hospitalisation.
Dans certaines situations très sévères, les malades peuvent bénéficier de la sismothérapie.
L’information et l’éducation thérapeutique ont démontré également une très grande efficacité dans la
prise en
charge du trouble bipolaire. Elles peuvent se révéler très positives pour le malade dans le
développement de
ses capacités d’auto-surveillance et de gestion de sa maladie. Si la personne arrive à être suffisamment bien
informée
sur les symptômes caractéristiques de sa pathologie, elle apprend à reconnaître ses propres symptômes et
à être
vigilante face aux signes précoces d’une recrudescence de la maladie. Si elle comprend
l’utilité et les
effets des médicaments qu’elle prend, elle va mieux observer son traitement et interagir efficacement avec
son
médecin quand cela va s’avérer nécessaire. Les résultats des actions de psychoéducations
sont notables.
La psychothérapie peut être indiquée, même s’il n’existe pas de psychothérapie « curative » du trouble
bipolaire.
Cependant des techniques comme la méditation de pleine
conscience et d’autres techniques peuvent aider à mieux gérer le stress et la
« gestion » de ses
propres émotions.
L’intervention sociale est nécessaire si les conséquences de la maladie ont amené la personne à des
difficultés
sociales et parfois à la marginalisation (ce qui est malheureusement encore trop souvent le cas).
Si le trouble bipolaire est diagnostiqué sans trop de retard, la prise en charge est souvent très efficace et
peut
permettre de vivre un vie sans trop de gêne, ni de handicap psychique.
Pour en savoir plus :
Vidéo de Pierre Alexis Geoffroy sur les troubles bipolaires pour la Fondation FondaMental
Les informations sur les Centres Médico-Psychologiques sont très facilement
accessibles : pages jaunes, Internet, …
Fondation FondaMental : pour obtenir les
adresses des Centres Experts Bipolaires :
Pour obtenir la liste des centres experts et les conditions d’accès, se référer à la rubrique « soins ».
Les associations pour avoir des contacts, des conseils, des adresses :
L’Unafam ( L’Union Nationale des Familles et Amis des
Malades psychiques)
La FNAPSY (la Fédération Nationale des usagers en
psychiatrie)
Brochure d’information de l’UNAFAM
sur les troubles bipolaires
Site le l’Assurance Maladie où sont référencés tous
les médecins, spécialités, adresses, téléphones, honoraires…
Savoir pour guérir : les troubles bipolaires, de Pierre Alexis Geoffroy
Ces vingt dernières années ont été marquées par des évolutions importantes dans le domaine des troubles
bipolaires. Le repérage et les outils thérapeutiques médicamenteux et non médicamenteux se sont considérablement
améliorés. L’implication du patient dans l’élaboration de ce programme thérapeutique est un élément déterminant
pour sa bonne conduite. Ceci nécessite qu’il se « forme » à sa maladie et aux outils qui permettent de la
stabiliser. L’ouvrage du Dr Pierre Alexis Geoffroy s’inscrit dans cette démarche visant à mettre à la
disposition des patients et de leurs proches, les explications nécessaires à la compréhension du modèle médical
appliqué aux troubles bipolaires. Ce parti pris vise également à modifier les représentations de la maladie et
de ses traitements. Conçu autour des questions qui reviennent le plus souvent au cours des consultations, voilà,
une boîte à outils qui permettra de mieux comprendre et donc de mieux agir.
« Je choisis la vie » Un livre-témoignage à lire de Marie Alvery et Hélène Gabert : "A travers nos deux
témoignages de personnes vivant avec des troubles bipolaires type I et type II nous avons voulu éclairer les
zones d'ombre de cette maladie méconnue et apporter un message d'espoir aux patients et à leur entourage ; celui
de personnes actives et insérées dans la société".