Comprendre l’observance thérapeutique

Comprendre l’observance thérapeutique

Qu’est-ce que « l’observance thérapeutique » ?

 L’observance thérapeutique ou observance se définit comme le respect de la prescription, la parfaite concordance entre la conduite du patient et les conseils et prescriptions du médecin. Dans une définition plus large, l’adhésion thérapeutique, est l’adéquation existant entre le comportement du patient et les recommandations de son médecin concernant un programme thérapeutique, qu’il s’agisse d’un traitement médicamenteux, d’une psychothérapie, de règles d’hygiène de vie, d’examens complémentaires à réaliser, ou bien encore de présence à des rendez-vous. L’observance peut être nulle, partielle ou totale.

La mauvaise observance est un problème fréquent pendant la prise en charge des troubles psychiques en psychiatrie. Elle se situerait entre 30 et 50 % : près d’un patient sur deux. C’est un des problèmes majeurs de la prescription des psychotropes (c’est-à-dire des médicaments qui ont des actions sur le cerveau) ou dans la prescription de changements de l’hygiène de vie. Mais cette difficulté d’adhésion au traitement sur du long terme se rencontre aussi dans beaucoup d’autres disciplines médicales. Car toutes les maladies chroniques qui nécessitent la prise d’un traitement sur de longues périodes vont poser également ce problème.

On pense souvent que la « mauvaise observance » de certains psychotropes comme les antipsychotiques ou les antidépresseurs est liée à l’impact des effets indésirables sur la personne. Cependant, les avancées scientifiques et médicales dans ce domaine ont permis de beaucoup diminuer leur impact sans pour autant résoudre la question de « l’observance médicamenteuse ». Les difficultés posées par les effets indésirables des médicaments n’expliquent donc pas tout.

Il est alors important d’essayer de comprendre les causes de cette résistance à la prise régulière de son traitement et au bon suivi des conseils et recommandations de son médecin ou psychothérapeute. Car apprendre à respecter son traitement et à y adhérer est un vrai enjeu pour la personne touchée par une maladie. Cela va avoir des conséquences sur sa qualité de vie et sur le pronostic d’évolution de sa maladie. On sait que La « mauvaise observance » entraîne une augmentation du nombre des hospitalisations, des recrudescences de la maladie et une diminution de la qualité de vie des patients.

Existe-t-il des moyens efficaces d’évaluer une mauvaise observance ?

Il n’existe pas d’outil idéal pour évaluer avec précision le niveau de l’observance thérapeutique. Toutefois, l’emploi de questionnaires est probablement la technique la plus efficace et opérationnelle. Il s’agit d’instruments « standardisés » (c’est-à-dire avec des questions précises et étudiées pour l’évaluer efficacement) dont l’intérêt est d’évaluer de façon reproductible (on peut en effet donner le même questionnaire avec les mêmes questions pour évaluer les mêmes difficultés à un nombre infini de patients, donc on va évaluer la même chose pour tout le monde) le taux de non-observance. Ils ne nécessitent pas de formation particulière et la durée de passation est réduite (ils sont en général très rapides). Ils permettent de compléter utilement l’évaluation -souvent moins exhaustive- des médecins et équipes soignantes ou de l’entourage. Récemment, avec le développement des technologies du numérique, des applications sur Smartphone ont été développées dans ce but.

Quelles sont les causes qui expliquent la mauvaise observance thérapeutique ?

L’observance médicamenteuse dépend en partie des effets indésirables du traitement. En effet, les médicaments efficaces pour certaines pathologies -qui peuvent être elles-mêmes très lourdes- ne sont pas sans effets indésirables. Les effets sédatifs (somnolence induite), la prise de poids, des troubles neurologiques comme l’akathisie (impatience qui se traduit par une impossibilité de rester assis ou de s’asseoir) ou un syndrome extrapyramidal (mouvements anormaux, tremblements, rigidité musculaire) et les dysfonctionnements sexuels (impuissance, frigidité, anorgasmie…) sont autant de causes possibles et tout à fait compréhensibles de non-observance.

L’observance est également affectée par la croyance en l’efficacité ou l’inefficacité de son traitement par le patient et aussi par celle du prescripteur. Plus que les effets indésirables objectifs, il a été montré que la croyance des patients (et du médecin) sur l’efficacité ou l’inefficacité du médicament qu’ils prennent (prescrivent) ou le vécu subjectif négatif des effets du traitement sont directement impliqués dans la mauvaise observance.

Le délai d’action des traitements peut être aussi une source de non-observance, chez un patient imparfaitement informé. Les antidépresseurs par exemple mettent entre une et trois semaines pour agir. La couleur, la taille, le goût, le nom des médicaments sont d’autres facteurs pouvant intervenir dans « l’efficacité ressentie » et donc dans l’observance du traitement. Quant aux notices explicatives qui accompagnent les médicaments, elles énumèrent les effets indésirables et les accidents sans que ne soient signalés ni la fréquence de leur survenue, ni leurs éventuels caractères de gravité. Les informations ainsi livrées peuvent déconcerter l’utilisateur et favoriser la mauvaise observance en induisant des craintes excessives.

Un autre facteur pouvant nuire à une bonne observance est celui de la complexité du traitement. En effet, plus les médicaments entrant dans la prise en charge sont nombreux et plus les prises sont nombreuses dans la journée et la semaine, plus on peut comprendre que pour le patient le suivi strict de son traitement devienne complexe et que pour le médecin la surveillance de ce traitement le soit aussi.

Quelles stratégies adopter pour améliorer l’observance ?

Pour le soignant, des stratégies existent. Elles vont aider à améliorer l’observance de son patient. Il convient de porter son choix de médicaments sur les molécules qui ont le meilleur rapport bénéfices/risques. Si le nombre de médicaments, de prises et de comprimés par prise est réduit à son minimum, le traitement n’en sera que plus simple à adopter par le patient. L’adaptation de l’ordonnance aux habitudes de vie des personnes qui vont devoir suivre ces traitements est aussi un facteur important : il est souhaitable par exemple d’éviter de prescrire la prise d’un médicament à midi quand la personne doit travailler toute la journée. Enfin, une ordonnance facilement compréhensible (lisibilité de l’écriture, simplicité des expressions employées) est aussi un gage de bonne observance. La simplification du schéma thérapeutique doit être l’objectif premier. La monothérapie est une solution idéale. L’adjonction d’un second psychotrope complique la prise médicamenteuse (mais peut aussi favoriser l’observance par un accroissement de la réponse thérapeutique). Lorsque l’observance est de très mauvaise qualité, l’utilisation de traitements à libération prolongée peut être utile dans certains cas bien que peu efficace sur l’observance à moyen et long terme. Les formes d’action prolongée, ont été élaborées avec le double but d’améliorer la tolérance, par l’administration de doses totales moindres, et d’améliorer l’observance par la diminution des rythmes d’administration. En aucun cas, cette prescription ne peut être envisagée comme une contrainte aux soins. Elle doit s’accompagner des nécessaires mesures d’information et d’éducation sur la maladie (voir Psychoéducation). La prise en charge psychothérapeutique se doit aussi de tenter d’améliorer la prise de conscience par le patient des symptômes de sa maladie, de l’informer sur les différents traitements existants et leurs avantages et inconvénients ainsi sur les enjeux de l’observance thérapeutique. Les informations dispensées doivent être éclairées (c’est-à-dire complètes, compréhensibles et accessibles) pour garantir meilleures efficacité, tolérance et observance thérapeutique.

L’entourage est un allié potentiel dans un travail de réhabilitation et d’amélioration de l’observance. Il convient de l’informer et en quelque sorte de le former également pour qu’il adhère et contribue à la compréhension et l’adhésion de la prise en charge par la personne malade.

La délivrance des médicaments par des structures extra-hospitalières comme les Centres Médico-Psychologiques ou une infirmière au domicile est parfois le seul recours pour aider dans la prise régulière médicamenteuse. L’utilisation d’un téléphone avec une sonnerie à l’heure de la prise du traitement peut être aussi un moyen pour améliorer l’observance en luttant contre les phénomènes d’oubli. L’envoi d’un SMS en accord avec le patient pour lui rappeler un RDV et la prochaine injection d’un traitement à action prolongée est aussi une méthode qui peut être employée avec efficacité.

Une alliance thérapeutique pour que chacun devienne acteur de la prise en charge

L’information donnée au malade et à sa famille doit permettre une véritable « négociation » dans le but d’adapter le traitement à un style de vie personnel. Par exemple, l’horaire de la prise est négocié avec le patient en fonction de ses habitudes de vie (horaire des repas, rituels quotidiens, coucher, douche…). Le délai d’action, les risques et attitudes à avoir face aux effets indésirables doivent être expliqués. L’ alliance thérapeutique axée sur une décision médicale partagée doit permettre de négocier les options thérapeutiques et de les modifier jusqu’à obtenir un projet thérapeutique cohérent aux yeux du médecin et acceptable du point de vue du patient. L’observance sera d’autant meilleure que le médecin aura écouté le patient dans une attitude sincère et qu’il lui aura fourni une information qui répond à ses attentes à propos de sa maladie.

Pour conclure

Les causes possibles de résistance au traitement sont nombreuses. Les questions de la coopération du patient et de la fiabilité de la prise doivent systématiquement et prioritairement être posées. Si presqu’un patient sur deux se trouve en situation d’observance incomplète de son traitement, c’est que le phénomène n’est pas marginal et mérite qu’on s’y intéresse. Une meilleure compréhension de son traitement et une prise en charge adaptée à la personne sont des pistes pour lutter contre la non-observance et surtout permettre aux personnes affectées par des maladies chroniques de retrouver une bonne qualité de vie.

Auteur

Dr David Misdrahi ; Centre Hospitalier Charles Perrens ; CNRS UMR 5287-INCIA, Université de Bordeaux

Pour aller plus loin :

Testez votre niveau d’observance :

La MARS (Medication Adherence Questionnaire)

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